RESSOUVENANCE

4 – 27 mars 2022

Galerie Paul Bovée, Delémont

D’après…
Sur la Route

Représenter des événement du passé proche ou lointain, pour les tirer de l’oubli.
Graver, comme une nécessité de laisser quelques traces, de re-produire des éléments égarés de nos mémoires.

Deux ensembles se déploient le long des murs de la galerie : suites de linogravures (impressions superposées) sur vélin et papier japon.

D’un côté, textes et images se superposent ; leur accumulation crée une nouvelle lecture. Des pans d’histoires, récentes ou d’après des œuvres des XVI-XVIIIe siècles, la traduction gravée réinterprète le sens que le regard accorde aux sujets représentés.
Appropriation du passé, dépouillé de ses références, hors contexte.
RÉALITÉ|d’après Algardi
APPROPRIATION| d’après ASPERTINI
RÉEL-VOIR| DE FRONT

De l’autre, paysages ravagés, « natures mortes », là où repoussent parfois des fleurs colorées…

RÉALITÉ |d’après Algardi, 2022
linogravures et plaques typographiques
impression sur vélin et papier japon
multiples à partir de 6 planches
image env. 17,5 x 21,5 cm

RÉEL – VOIR |De Front, 2022
linogravures et plaques typographiques
multiples à partir de 6 planches
image env. 17,5 x 21,5 cm

APPROPRIATION |d’après Aspertini, 2022
linogravures et plaques typographiques
multiples à partir de 6 planches
image env. 17,5 x 21,5 cm

Là, toute l’ambiguïté des époques où les scènes se répètent. Je superpose des personnages d’une autre époque ou d’un autre monde, dans des postures similaires, où un combattant d’aujourd’hui émerge d’une gravure du XVIe siècle.

Les images, selon qu’elles proviennent d’un fond muséal ou artistique prestigieux, d’un magazine sportif ou de quelque document numérique de basse définition relatant des émeutes, ces scènes sont toutes porteuses de faits parfois violents, autant que d’esthétisme, mais aussi d’informations, éphémères ou historiques.

Au sol, d’autres images sombrées dans l’indifférence, rejetées par nécessité de ne pas se souvenir de tout.

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SUR LA ROUTE – Après le 11.03.2011 – région de Töhoku, 2019 – 2021
linogravures sur vélin et japon superposés
images env. 21 x 30 cm

Là, ce que l’on pourrait appeler Natures mortes.
Et, dix ans après, refleurissent la gentiane, fleurs de cerisiers ou marguerites. Pourtant certaines d’entre elles apparaissent « mutantes », avec trois cœurs, victimes de fasciation…

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La seule chose qui survit à une époque, c’est
la forme d’art qu’elle s’est créée. Aucune
activité ne deviendra un art avant que
son époque ne soit terminée.
Ensuite cet art
disparaîtra.
(3) HFrampton

…Le propre du créateur est de s’approprier le passé pour
le transformer, le digérer, et en donner un autre
résultat… Il ne s’agit pas d’imaginer qu’on va
retrouver le regard de l’artiste, mais on peut
s’interroger sur la façon dont une œuvre
peut suggérer un regard tout à fait
inattendu, singulier, personnel,
appropriateur, de tel artiste
sur tel artiste du passé.
(2) DArasse

L’art existe comme
ressouvenance. Tout
art «  est rappel de relations
oubliées, ou qui vont bientôt l’être,
que ce soit Dieu et homme, homme et
femme, terre et humanité, couleur et forme,
etc. La raison pour laquelle je dis « oublié », c’est que
toutes les relations futures sont inhérentes à ce que nous
voyons maintenant, et de la sorte, nous pouvons « oublier » le futur.
(1) KJarrett

 

Ils mélangent
expériences et souvenirs
en une salade chaotique, un
charivari de fragments de réalité
méconnaissables. Ils fabriquent un tas
d’absurdités mais aussi des cauchemars
tirés des armoires à poison où ce que nous
tentons d’oublier est enfermé à double tour – sauf que
ces acteurs de la nuit n’ont aucun mal à forcer les serrures.
(4) HMankell

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Mon siècle, mon fauve, qui saura
jeter un regard dans tes pupilles
et de son sang recoller
les vertèbres des deux époques ?

Des bourgeons se gonfleront encore
des jets de verdure fuseront
mais tes vertèbres se sont brisées
ô mon pauvre et merveilleux siècle.
(5) OMandelstam

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(1) Keith Jarrett – Extrait du livret de Spirits, Keith Jarrett, CD 1986
(2) Daniel Arasse – Histoires de peintures, Editions Denoël 2004 – chap. 18. De Manet à Titien, pp. 253-254
(3) Hollis Frampton – cité dans Le livre d’images, Jean-Luc Godard 2018 – (Saint Louis) Extrait de Manon (Henri-Georges Clouzot)
(4) Henning Mankell – Sable mouvant / fragments de ma vie, éditions du Seuil, Paris 2015 (pour la trad. française) – édition originale :  Leopard Förlag, Stockholm 2014
(5)Ossip Mandelstam – Poèmes (1923, traduit du russe par Tatiana Roy) – éditions de l’Age d’homme – Classiques slaves, Lausanne 1984

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RESSOUVENANCE, subst. fém.
− 1. Souvenir que l’on continue à garder d’une chose passée ou souvenir d’une chose oubliée…
[À propos d’une œuvre artist.] Ce qui dans une œuvre évoque le style d’un autre artiste, d’un autre auteur…
− Sentiment d’une douleur, d’une souffrance qui se renouvelle ; souvenir amer de quelque chose…