Laurence SCHMIDLIN – Références, 2007

Laurence Schmidlin

texte exposition PieceUnic 2007, Genève

C’est en ce que le mouvement inscrit dans l’espace une relation physique au monde, que Geneviève Laplanche détaille, depuis les années 1990, la variété des poses que prend l’homme lorsqu’il se manifeste, s’anime, s’agite. Au fil d’un travail attentif, lutteurs japonais, figures maniéristes, athlètes ont été répertoriés, dessinés – souvent dans le bois, avec tout ce que cette technique implique de résistance à la matière –, puis rassemblés dans autant d’échafaudages humains que de petites anarchies graphiques. Chacun des traits gravés retient dans la planche le pli d’un tissu, la tension d’un muscle, les arrêtes d’un corps à l’effort, et la singularité générique de ces personnages en pied se dissout dans ces foules alertes ne laissant apparaître que ce qui les unit, l’action.

Pour l’exposition “Références”, Geneviève Laplanche a cette fois puisé dans trois sources iconographiques différentes dont elle présente, à peine retouchés, les documents originaux prestement classés dans un meuble à fiches (Processus, 2007) – tel qu’on en trouve encore dans les bibliothèques n’étant pas tout à fait passé à l’ère numérique. Cette installation – qui nous rappelle que l’artiste est documentaliste de profession – replace dans leur contexte les images employées (tiroir intitulé Sources) mais annonce également les travaux à venir et les développements possibles (Evolutions).

Y sont inventoriés des figures tirées de planches gravées du XVIe siècle et des sportifs ainsi que des révoltés palestiniens des différentes Intifadas. Retravaillés à l’ordinateur – à l’image de nombreux artistes contemporains mélangeant technologie numérique et techniques anciennes de l’estampe –, ces personnages sont réduits à leur silhouette et figés dans leur mouvement, afin de révéler une série d’analogies entre les poses – un crucifié n’a jamais autant ressemblé à un danseur classique – et les actions – l’allure d’un tennisman au service frappe soudainement par sa similitude avec celle d’un lanceur de pierres.

Questionnant la représentation de la violence, Geneviève Laplanche discute entre autres le regard esthétisant posé sur les scènes de supplice comme ont pu les graver Giulio Bonasone (c. 1510-1576) ou Amico Aspertini (c. 1475-1552), et les attitudes de lutte qu’impose la compétition.

Ces récents travaux témoignent en outre de l’attention que porte constamment Geneviève Laplanche aux matériaux qu’elle emploie et à la qualité de transparence des supports qu’elle privilégie. Le papier japon permettait aux premiers jeux de superposition de faire apparaître un amoncellement de personnages fuyant à la verticale, puis les calques assemblés ont esquissé les glissements latéraux des sujets. La pièce monumentale “Références 01” (2007) est constituée de trois toiles à maille d’acier sur lesquelles est imprimé en noir (à l’aide d’un « chablon ») un ensemble différent de trois figures. L’accumulation des maillages, vibrant de spirales, induit des effets de mouvance qui anime les personnages. Selon la lumière, les motifs se détachent les uns des autres, semblent avancer et reculer, laissant émerger parfois en arrière-plan une scène de rue ou la profondeur de la galerie où la pièce est exposée. Froid et industriel, ce grillage métallique répondait le mieux, semble-t-il, à la brutalité des images que l’artiste s’est appropriées.

Le passage à l’animation (Personnages, 2007) représente moins pour Geneviève Laplanche une première tentative qu’une transition idéale entre la superposition de ses personnages et leur succession spatiale. Sur des variations rythmiques, les motifs s’enchaînent avec quelques saccades donnant l’illusion d’un déplacement. Leurs formes sont à présent mises en parallèle grâce au fondu-enchaîné. L’image est doublement fragmentée, puisqu’elle est régulièrement troublée par l’intrusion furtive d’une photographie couleur de l’une des Intifadas – une manière d’autant plus forte d’accentuer cette mise en perspective contemporaine.

impression sur maille de fer, 3 supports 190 x 230 cm

Exposition : REFERENCES – PièceUnic 2007